Letizia Bonaparte by Carolis Patrick (de)

Auteur:Carolis, Patrick (de) [Carolis, Patrick (de)]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Historique
ISBN: 9782259222266
Éditeur: Plon
Publié: 2014-11-12T23:00:00+00:00

Deuxième intermède

Toutes ces évocations me donnent le vertige. La roue de la fortune a tourné de façon si erratique ! Je ne puis rassembler mes idées de manière cohérente et réclame une pause. Très brève au demeurant, le temps d’un déjeuner. Mes compagnons acceptent volontiers. Ils se retirent en abandonnant leurs documents à même le sol. Ma table de chevet est tellement encombrée qu’elle ne peut accueillir le moindre papier. D’un pas léger ils quittent mon salon. Leur départ me soulage pour quelques heures de mes angoisses passées.

Un peu de détente me fera le plus grand bien. L’air embaume du parfum de ces roses dont je raffole. J’admire les merveilleux bouquets que Rosa compose chaque matin pour embellir mon quotidien. Ma dame de compagnie répond avec douceur à toutes mes exigences. Sa présence est la consolation de mes vieux jours. Elle compense à sa manière l’absence de mes filles aînées qui m’ont précédée pour ce grand voyage auquel j’aspire et qui aurait dû m’emporter bien avant elles. La vie est injuste. Quant à Caroline, ses demandes de laisser-passer sont constamment ajournées.

Restent mes belles-filles qui viennent partager quelques moments avec moi. Julie, l’épouse de Joseph que j’aime tendrement et qui me le rend bien. Après des années d’errance entre la Suisse, la Suède où règne sa sœur Désirée, entre les villes de Francfort et de Bruxelles, elle s’est définitivement installée à Florence et passe de courts séjours à Rome pour venir m’embrasser. Ses filles sont charmantes. Charlotte, ma préférée, a épousé Napoléon-Louis, son cousin germain. Ce mariage m’a enchantée.

D’ailleurs j’ai favorisé cette idylle et j’en suis fière ! Ils sont adorables, enjoués, affectueux et prompts à s’amuser de tout. Ils se sont installés dans la villa Paolina léguée par leur tante, ma tendre Pauline. Hortense, séparée de Louis, vient les voir régulièrement et en profite pour me saluer. Elle s’est établie en Suisse au château d’Arenenberg où elle a élevé ses fils.

Si je me plains de ma solitude, c’est à mes morts que je dois ce sentiment d’abandon car en réalité je suis très entourée. Depuis plusieurs années certains de mes enfants se sont rapprochés. Lucien, désormais, vit entre Viterbe et Rome. Avec sa seconde épouse Alexandrine et sa nombreuse progéniture, ils envahissent ma maison chaque jeudi, et c’est un tourbillon de rires et de jeux qui égaye mon palais.

Quant à Louis, qui avait acheté le palais Mancini-Salviati en 1818, il fut longtemps mon voisin via del Corso avant de migrer vers la campagne toscane. Enfin Jérôme, toujours aussi prodigue et primesautier, devenu prince de Montfort par la grâce de son beau-père le roi de Wurtemberg, se partage entre son château proche de Vienne et sa résidence de Trieste. Dès qu’il en a la possibilité, il se rend à mon chevet. Son épouse Catherine, aussi fidèle que son époux est volage, l’accompagne parfois. Elle n’a pas la délicatesse d’Hortense ni la vivacité d’esprit d’Alexandrine, mais elle partage avec Julie un caractère égal, sensible et attentionné, qui la rend particulièrement chère à mon cœur.

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